Les annulés de la Dreamcast

Souvenez vous de ce terrible matin du 24 janvier 2001. La lumière du jour peinait à chasser la nuit, la brume envahissait les villes et les villages, la température s'obstinait à rester négative, les gens, emmitouflés dans leur gros blouson, sortaient difficilement de chez eux pour aller travailler, les moteurs des voitures, engourdis par le froid, toussotaient. Bref, tout semblait réuni pour que cette glaciale journée soit une journée d'hiver tout à fait comme les autres. Et pourtant...

Dès 6 heures du matin, les informations annoncent la surprenante nouvelle : Sega stoppe la production de la Dreamcast pour ne concentrer son activité uniquement sur la conception et l'édition de jeux et ce, sur tous les supports du marché. Une onde de choc secoue le petit monde des jeux vidéos, joueurs et professionnels sont abasourdis par cette soudaine décision.
Les raisons de ce brutal changement de la part de Sega sont principalement d'ordres financières. En effet, les échecs commerciaux consécutifs du Mega CD et de la 32X dans un premier temps, puis surtout celui de la Saturn dans un second temps ont dilapidés l'argent amassé suite au succès mondial de la Megadrive. Par la suite, les énormes coûts de développement et de lancement de la Dreamcast ont terminés de plonger définitivement les comptes de la firme dans le rouge vif et ce, sans que les ventes plus qu'honorables de la 128 bits (plus de 10 millions d'unités) puissent y changer quoi que ce soit. Sega n'avait donc plus guère le choix : c'était poursuivre l'aventure sous d'autres cieux ou disparaître. La décision prise par le compagnie au hérisson bleu fût donc malgré tout la meilleure, mais ses conséquences pour la Dreamcast et ses possesseurs furent terribles.
Ainsi, seulement quelques heures après l'annonce, énormément de jeux virent leur prix de vente baisser de 30 à 50%, même chose pour la quasi totalité des divers accessoires de la machine, et beaucoup de joueurs se précipitèrent dans les magasins spécialisés pour revendre aussi sec leur machine. Sega tenta alors de rassurer le plus vite possible les possesseurs de la Dreamcast en assurent que 100 jeux allaient encore voir le jour d'ici à la fin du mois de mars 2002. Toutefois, il fallut rapidement se rendre à l'évidence : le chiffre annoncé se révéla vite illusoire. Opportunistes jusqu'au bout des doigts, certains éditeurs jadis favorables à la Dreamcast décidèrent d'annuler purement et simplement leur(s) prochain(s) titre(s) prévu(s) sur la machine.
Voici ce que nous avons manqué :

Alien Resurrection

Trois ans après sa sortie au cinéma, le quatrième opus de la fabuleuse saga Alien se vit convertir en jeu vidéo. C'est ainsi qu'une version Playstation vit le jour dans un premier temps avant qu'un développement Dreamcast ne se mette en chantier par la suite. Hélas, pour les raisons que l'on sait, la Fox Interactive stoppa la conception du titre peu de temps après son début. Dommage, le "désalienage" à coups de lance-flammes et de fusil à pompes puissance 128 bits aurait pu être sympa.

Anachronox

En plus de la version PC (qui elle, est vraiment sortie), Anachronox était bel et bien prévu sur Dreamcast. Disposant d'un univers futuriste sombre et inquiétant, il proposait d'incarner un détective plongé au cœur de plusieurs affaires et ayant la possibilité de voyager de planète en planète. Techniquement assez réussi, Anachronox a rencontré un certain succès chez les possesseurs de micro.

Arcatera

Très stylisé PC, Arcatera avait forte impression lors de ses premières présentations. Il faut dire que ses graphismes étaient splendides et que son univers moyenâgeux semblait particulièrement riche. A l'instar de Shenmue, on nous promettait une intelligence artificielle très développée pour les personnages non jouables (PNJ), chacun possédant une personnalité ainsi qu'une histoire propre et vaquait à ses petites occupations de la vie quotidienne au fil de l'avancement de l'aventure. Un titre prometteur donc qui avait tout pour devenir un hit en puissance.

Black and White

Black and White est le véritable jeu-concept par excellence. Le joueur se retrouve dans la peau d'une divinité qui doit conquérir plusieurs îles tout en gagnant la croyance de tribus primitives, avec le libre arbitre de faire le bien ou le mal. Nouvelle expérience de jeu, le titre des studios Lionhead (dont le créateur n'est autre que le grand Peter Molyneux) aurait vraiment été le bienvenue sur Dreamcast, d'autant plus que ses possibilités de jeu en réseau auraient pleinement exploitées le modem de la console.

Buffy the Vampire Slayer

Etudiante le jour et chasseuse de vampires la nuit, la belle Buffy a longtemps été pressentie sur la 128 bits de Sega. Ce titre d'action pure et dure devait mettre le joueur dans des situations où le combat sauvage est la seule issue possible, le tout dans des niveaux renfermant clés et autres items cachés. Au final, l'exclusivité en est revenue à la X-Box.

Castlevania Resurrection

Comment expliquer que Konami ai pu annuler ce Castlevania Resurrection alors qu'il en était à un stade fort avancé de son développement ? C'est d'autant plus dommage que les premières vidéos présentées à l'époque laissaient augurer du meilleur, les graphismes et l'animation en tête. Beaucoup s'accordaient à dire que cette version Dreamcast allait redonner un second souffle à cette série mythique, peu de temps après la sortie de deux épisodes assez moyens sur Nintendo 64. Bref, le prince des ténèbres (qui ça ? Mais Dracula voyons...) ne se sera pas fait botter les fesses sur Dreamcast et c'est bien triste.

Colin McRae Rally 2

Le titre de Codemasters avait toutes les cartes en mains pour concurrencer sérieusement Sega Rally 2 et V-Rally 2. Avec sa modélisation impeccable, son réalisme impressionnant et sa tonne de modes de jeu, il s'annonçait comme une vraie réussite et nombreux sont les joueurs qui trépignaient d'impatience à l'idée de s'y essayer, d'autant plus que les améliorations vis-à-vis du premier opus semblaient plus que conséquentes.

Deus Ex

Réputé pour être l'égal de Half-life au niveau de l'intelligence artificielle et de la difficulté, Deus Ex fait incontestablement partie de ces softs qui savent charmer n'importe quel joueur, sous peu que celui-ci soit sensible à son ambiance d'anticipation légèrement apocalyptique. A n'en pas douter, sa conversion Dreamcast aurait conservé toutes ces qualités initiales pour permettre à de nombreuses personnes de succomber à leur tour à l'un des meilleurs jeux sortis durant l'année 2000.

Gun Valkyrie

Sorti à l'arrivée sur X-Box, Gun Valkyrie était au départ prévu pour être une exclusivité Dreamcast. Ce très bon jeu de shoot à la troisième personne disposant d'un excellent design d'ensemble (pas étonnant quand on sait que Smilebit, le concepteur de Jet Set Radio, est derrière le projet) et d'une action débridée semblait avoir beaucoup d'atouts en poche pour faire un joli carton sur la petite boîte blanche.

Half-life

Probablement la plus grande injustice de toute l'histoire de la Dreamcast. Alors que son développement était terminé à 95% (d'ailleurs, on pouvait déjà voir des publicités dans les magazines spécialisés de l'époque), l'éditeur Sierra décidait brutalement de le stopper. Ce fut alors une grosse déception pour tous les possesseurs de la 128 bits, d'autant plus que cet Half-life là s'annonçait encore plus monstrueux que sur PC. Modélisation des protagonistes et des environnements 3D revus à la hausse, animations retravaillées, ajout d'une missions inédite (Blueshift), le tout avec un scénario toujours aussi diabolique et une intelligence artificielle toujours aussi développée. Ce mythe qu'est Half-life n'a donc pas fouler le sol de la Dreamcast : voici un vide qui restera à combler.

Heroes of Might and Magic 3

Incontournable dans le domaine des jeux de stratégie au tour par tour sur PC, la série des Heroes of Might and Magic rassemble au fil des ans de plus en plus d'adeptes. Il faut dire que son excellent gameplay, sa fabuleuse ambiance heroic-fantasy et son énorme durée de vie y sont pour beaucoup. Son adaptation Dreamcast aurait pu donner naissance à un titre de très bonne facture à même de satisfaire le plus grand nombre.

Max Payne

On ne présente plus ce bon vieux Max dont le jeu est à classer (tout comme sa suite) dans les meilleures productions de ces dernières années. Son ambiance réaliste et sa trépidante action digne des films de John Woo ont conquis beaucoup de joueurs sur tous les supports sur lesquels il est apparut (PC, Playstation 2, etc.). En développement pendant près de trois ans, la version Dreamcast a connu des hauts et des bas puisque après avoir été annoncée, elle s'est vue annulée, puis re-confirmée de nouveau pour être enfin annulée définitivement.

Messiah

Fort d'un concept original (le joueur incarne un petit ange tout "mimi" avec ses ailes dans le dos qui a la possibilité de prendre possession d'un corps d'un être humain et d'en changer à loisirs), Messiah fut très longtemps en développement dans les locaux de Shiny Entertainment. Très attendu, il reçut pourtant un accueil mitigé lors de sa sortie sur PC, ce qui peut également avoir un lien avec son annulation Dreamcast.

MOUT 2025

Ce doom-like prenant place dans une ville futuriste digne de l'excellent Blade Runner semblait posséder de nombreux atouts pour séduire les possesseurs de Dreamcast : graphismes plus que correct, champ d'action important, nombreuses possibilités d'interagir avec l'environnement, intelligence artificielle développée. Bref, largement de quoi séduire tout joueur qui se respecte. Dommage pour nous !!

Project IGI

Venu tout droit de l'univers PC, Project IGI peut s'apparenter en quelque sorte à une copie de Deus Ex et de Half-life. Bien qu'il soit tout de même assez loin de rivaliser avec ces deux titres, il n'en reste pas moins un sympathique jeu d'action à la réalisation technique honnête et à l'ambiance plutôt fun.

Soul Reaver 2

Après un premier épisode exceptionnel, le charismatique Raziel semblait bien parti pour poursuivre sur Dreamcast sa croisade contre Kain dans une quête encore plus sombre que la précédente. Fort d'un scénario complexe et d'une réalisation technique absolument magnifique, Soul Reaver 2 aurait du envoûter tous les segamaniaques de la planète. Au lieu de ça, il a été annulé et les pétitions virtuelles créées à l'époque sur le net pour que Eidos l'édite malgré tout n'y ont rien changé. Bye bye Nosgoth !!

SWAT 3

SWAT 3 avait tout pour concurrencer le très bon mais très laid Rainbow Six. Plus beau et tout aussi immersif que ce dernier, il promettait (comme sur PC) de longues heures de traques antiterroristes à la tête d'une unité d'élite de la police au cœur de nombreuses missions dangereuses et variées.

Comme on peut le voir, la Dreamcast possédait encore de très grands jeux à offrir. Si la faute première de ses annulations en incombe à Sega pour n'avoir pas su (ou pu) maintenir un équilibre financier suffisant pour éviter l'arrêt de production de la Dreamcast, il est bien triste de voir certains éditeurs (tels que Eidos, Konami, Sierra, etc.) retourner leur veste aussi rapidement dès que le vent tourne : les voix du business sont parfois impénétrables. Heureusement, il est encore possible d'en trouver quelques uns d'honnêtes et qui font passer l'aspect créatif avant tout (Capcom, SNK, Ubi Soft, etc.).
Enfin, il convient de souligner que cette liste n'est pas hexaustive et qu'il existe encore d'autres jeux qui ont été annulés, je n'ai fait ici qu'inscrire les plus marquants. Toutefois, si vous souhaitez en savoir plus, je vous conseille de jeter un œil au topic de cjmusashi sur le forum concernant ces fameux jeux non listés ici : attention les yeux !!

OULIPOP